« Les chrétiens aux bêtes ». Souvenirs de la guerre sainte proclamée par les Turcs contre les chrétiens en 1915,
Témoin du génocide arménien de 1915, le Père Jacques Rhétoré (1841-1921), dominicain, nous en a laissé un témoignage exceptionnel. Historien et journaliste d’ascendance assyro-chrétienne catholique, Joseph Alichoran a le mérite de nous le faire découvrir dans ce volume où il nous présente l’homme, sa biographie et ses écrits, avec toutes les précisions souhaitables. Né en 1841 à La Charité-sur-Loire, le P. Rhétoré entra chez les Frères Prêcheurs et s’en alla rejoindre, en 1874, la mission dominicaine de Mossoul, en Haute Mésopotamie (nord de l’Irak actuel). Il apprit l’araméen et l’arabe et publia plusieurs ouvrages en ces langues dont il devint un spécialiste. Sa vie se déroula au milieu des turbulences de la chrétienté chaldéenne en attendant de connaître celles de l’Arménie où il fut envoyé en 1881. Dans cette mission nouvelle, il multiplie les voyages pour apprendre à connaître les populations nestoriennes. Cette étude lui paraissait, en effet, la condition indispensable à tout apostolat dont le but était, selon les préjugés de son temps, «de gagner au catholicisme romain les chrétiens arméniens ou nestoriens qui se sont séparés». Il apprit donc les langues arménienne et turque dont il devint un expert reconnu.
À l’époque du génocide, sur lequel J. Alichoran nous apporte d’inappréciables éclaircissements, le Père J. Rhétoré a été un témoin de premier plan. Il a écrit sur ces massacres les souvenirs qu’il en avait gardés. Certes, ceux-ci se rapportaient à ce qui s’était passé dans le Vilayet de Diarbékir et quelques régions adjacentes, mais pour limité que soit le témoignage du Père, «comme la plupart des déportés des pays arméniens ont été dirigés sur le Vilayet de Diarbékir, il s’ensuit que, par eux, on peut se faire une idée de ce qu’a été la persécution dans son ensemble». C’est dire que cet ouvrage, au moment où les Turcs continuent à s’obstiner dans leurs dénégations, vient à son heure et fournit des éléments de première main aux historiens et aux hommes politiques. – H. Jacobs