PREFACE :
En ces heures de guerre, où tant de peuples martyrs agonisent sous l’étreinte de la force, il en est un entre tous, qui, opprimé depuis des siècles, subit le plus atroce des supplices: l’Arménie.
On a pu dire avec raison que l’Arménie, autrefois paradis terrestre, était devenue l’enfer terrestre. Entourée de voisins puissants, qui de tous temps se partagèrent cette Pologne d’Asie, après avoir passé sous la domination de maîtres plus ou moins durs, elle tomba sous le joug des Turcs. L’ère des massacres commença.
La religion servit d’abord de prétexte pour décimer le peuple arménien. Plus tard, lorsque l’Allemagne voulut s’ouvrir le chemin des Indes, elle jeta les yeux sur l’Arménie, et, pour y pénétrer, s’associa au Sultan Rouge.
Les massacres recommencèrent de plus belle, et deux cent mille Allemands vinrent repeupler le pays. Puis, la guerre, la grande guerre éclata; ce fut alors l’extermination: honuries, femmes, enfants périrent en masse, en des tortures dont la cruauté dépasse tout ce que l’imagination peut concevoir. Près d’un million disparurent Ansi.
Le peuple arménien, qui a conservé son caractère national et son énergie, ne veut pas mourir. S’il jette aujourd’hui un cri de détresse, ce n’est pas pour implorer la pitié, mais pour demander justice. Il veut qu’au milieu des graves préoccupations européennes, les peuples de l’Entente ne l’oublient pas, qu’on sache ce qu’il est, ce qu’il fait, quelles furent ses souffrances, pour que, lorsque viendra l’heure du réglement des comptes, on lui accorde enfin l’autonomieà laquelle il a tant de droits.
Jean JULLIEN
