Haratch renait… en version numérique

Membres de l’association, bénévoles et partenaires étaient réunis le 5 avril 2018 à Marseille pour la présentation du travail de numérisation et de mise en ligne de l’intégralité du quotidien en langue arménienne Haratch.

« Haratch » signifie « En avant », en français. Mais c’est paradoxalement d’un retour en arrière sur l’histoire du journal et son importance pour la diaspora arménienne en France, dont il était question le 5 avril dernier dans les locaux de l’association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne (ARAM). Son président, Jacques OULOUSSIAN, y présentait lors d’une soirée particulièrement émouvante, le résultat d’un travail aussi colossal qu’unique : la numérisation de l’ensemble des numéros du journal Haratch et leur mise en ligne en accès libre sur le site internet de l’association. Deux réalisations complétées par celle du supplément littéraire et bilingue Midk ev Arvest (Pensée et Art), publié chaque mois entre 1976 et 2009 dans le quotidien Haratch aussi consultable sur www.webaram.com

> Reportage vidéo : https://youtu.be/P_FoIxjbw1o
> Reportage du JT de la Télévision publique arménienne (1TV.am) : https://youtu.be/1mvf24r7yuw

Une documentation partagée et diffusée

L’enjeu de cette opération de numérisation s’inscrit dans le droit fil de l’objectif de l’association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne (ARAM) : archiver la mémoire arménienne et la rendre accessible au public le plus large possible. Comme l’indiquait Jacques OULOUSSIAN dans son discours d’ouverture : « Toutes les archives que nous avons, ces livres, des photographies, ces cartes, ces affiches, ces registres, ces documents d’identités, ces morceaux de papiers avec des mots en arménien, ces musiques en vinyles, nous ne les comptons plus (…) Nous avons voulu sauver et partager ces archives en choisissant, dès 2011, de numériser les éléments les plus fragiles, les plus précieux. Mais aussi un titre majeur de la presse arménienne en France : le journal Haratch. »

Un lien entre les membres de la diaspora

Fondé par le journaliste Schavarch MISSAKIAN puis édité après sa mort, en 1957, par sa fille Arpik, Haratch était le premier quotidien en langue arménienne d’Europe, publié à Paris de 1925 à 2009. Au-delà des informations qu’il apportait à ses lecteurs, Haratch était un trait d’union pour la diaspora arménienne réfugiée en France après le génocide perpétré par les « Jeunes-Turcs » à partir de 1915 et disséminée sur le territoire national. Son importance pour la communauté était inversement proportionnelle à sa diffusion et ses moyens -relativement modestes- : ce quotidien de 4 pages était lu et commenté dans la plupart des foyers et des lieux de sociabilité arméniens.

Plus qu’un simple quotidien

« Le journal et son fondateur jouaient un rôle de père, de guide, de conseiller, voire de pédagogue pour les Arméniens de France et même du monde entier », a ainsi rappelé l’écrivain Krikor BELEDIAN lors de la soirée de présentation de la numérisation de Haratch. Pour M. BELEDIAN, « Il était perçu comme un organe non seulement d’information et d’analyse, mais également d’enseignement. C’est dans ses colonnes que nombre de lecteurs apprennent leur langue, leur histoire et leur littérature ». Haratch a en effet la particularité d’être écrit en arménien occidental, la langue parlée par les Arméniens présents dans l’Empire Ottoman, et leurs descendants.

90.000 pages numérisées

Cet aspect a retenu l’attention de la Fondation Calouste GULBENKIAN, un des principaux donateurs qui ont permis le financement de la numérisation d’Haratch. Ani GARMIRYAN, responsable de programme senior, en charge de la promotion de l’arménien occidental a ainsi insisté lors de son intervention, sur la vocation de la Fondation Calouste GULBENKIAN : « Rendre accessibles à un large public de lecteurs, de chercheurs… les publications écrites en arménien grâce à la numérisation afin que ces documents ne restent pas cantonnés aux musées mais continuent d’être lus, de vivre et d’exister ». Outre la Fondation Calouste GULBENKIAN, d’autres partenaires et donateurs privés ont contribué à la digitalisation des 22.214 numéros d’Haratch, soit 90.000 pages, l’équivalent de 600 Go de données, après qu’une première tranche (représentant 10 ans de parution) a été financé sur les fonds propres de l’association en 2011.
Il est utile de rappeler que le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône apporte un soutien au fonctionnement de l’association.

7 ans de travail

« Les deux années suivantes, nous avons convaincu le Ministère de la Culture et de la Communication de nous aider à poursuivre notre démarche durant 2 ans dans le cadre de son plan national de numérisation, puis nous avons continué avec l’aide de nos donateurs, tranche par tranche » a rappelé Jacques OULOUSSIAN, le président de l’association. « En 2016, avec la contribution de la fondation BULLUKIAN, la tranche 1960 à 1969 a été réalisée. Enfin, en 2017, nous avons lancé la numérisation des années 1970 à 2009 » avec la Fondation C. GULBENKIAN.

Un fonds documentaire unique

De son vivant, Arpik MISSAKIAN, fille du fondateur d’Haratch (et rédactrice en chef du journal après la mort de son père) avait donné à l’association son accord pour effectuer ce travail de numérisation. Mais aussi choisi de déposer l’intégralité des exemplaires, parus pendant plus de 80 ans, à la BULAC (Bibliothèque universitaire de langues et civilisations). Benjamin GUICHARD, son directeur scientifique, était présent lors de la soirée organisée par l’association. Il a insisté, dans son allocution, sur l’importance de ce don. « Nous en recevons beaucoup tout au long de l’année, mais il est rare dans la vie d’un bibliothécaire qu’on en reçoive un qui recueille autant de vie et d’énergie. »

« La langue est l’enjeu essentiel »

Pour le directeur scientifique de la Bulac, « Ces 99 volumes reliés qui occupent 20 mètres linéaires dans nos magasins sortent sans cesse.On voit constamment des lecteurs se plonger dans ces périodiques. Le travail de numérisation et sa qualité vont leur donner une nouvelle vie et une grande ampleur. J’ai compris que la langue est l’enjeu essentiel : c’est pour cela qu’Arpik MISSAKIAN nous a choisi. Ces journaux devaient vivre au milieu d’ouvrages en langue arménienne et c’est grâce au travail de l’association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne que l’œuvre de Schavarch et sa fille Arpik MISSAKIAN va se prolonger » a conclu Benjamin GUICHARD.

Surmonter les contraintes techniques

Le travail de numérisation proprement dit, réalisé dès 2011 par la société COPEIA n’a, enfin « pas été simple » comme le rappelait Régis ROGER, son représentant : « La présentation des journaux, réunis au sein de volumes reliés a nécessité l’utilisation d’un scanner spécifique et un soin particulier en raison de la fragilité du papier, particulièrement cassant ». Autant de difficultés, tant du point de vue technique que de la recherche de financements, finalement surmontées au prix de 7 années d’efforts par le conseil d’administration de l’association et en particulier de son secrétaire, Vartan ARZOUMANIAN. Un marathon que Jacques OULOUSSIAN, le président de l’association a résumé d’une formule : « C’était un pari fou. Mais nous l’avons gagné, tous ensemble ».

JD
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Autour des membres et bénévoles de l’association, étaient notamment présents différentes personnalités : Aurore BRUNA présidente du conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF Sud), Richard SANTOURIAN, président du Fonds Arménien de France Région Sud, Liana GHYKASYAN (Troisième secrétaire de l’Ambassade d’Arménie en France), Rouben KHARAZIAN (consul de la République d’Arménie à Marseille) et Garo HOVSEPIAN, président de la Maison Arménienne de la Jeunesse et de la Culture.